jeudi 30 octobre 2014

La formation d'auxiliaires médicaux dans l'Archipel de Crozet


A l'hôpital de la base Alfred FAURE, il se passe toujours quelque chose, même en l'absence de véritables blessés ou malades. Des formations médicales indispensables y sont réalisées au profit d'auxiliaires bénévoles pour assurer une sécurité sanitaire aux hivernants.
L'hôpital de l'Île de la Possession sous un ciel étoilé
 Photo: Alain RICCI


Ciseaux ! Voici...    Pince ! ...  Laquelle ? Euh… celle à gauche, là, entre la compresse et le fil de suture.
Le ton est sérieux, les participants attentifs, les gestes parfois hésitants. En ce jour hivernal, neige et bourrasques à plus de 120 km/h, l’équipe d’aides médicaux met en pratique ce qu’elle a appris lors des formations dispensées par le médecin de la base. 


Simulation d’une intervention chirurgicale.
Assistants en stérile : Mohamed, chauffagiste frigoriste (à droite) et Philippe, plombier (à gauche)
Photo:  Joëlle LUDWIG
Dans le scénario imaginé, un hivernant s’est ouvert la main en "manip" (expérience, activité scientifique, et par extension la randonnée qui conduit à mener cette action) et il faut explorer la plaie pour suturer un tendon qui semble sectionné.


Apprentissage de la préparation d’injectables. Philippe, plombier mais également bénévole dans une association de secouristes en Savoie. C'est son deuxième hivernage à Crozet et lors de sa précédente mission il a participé au secours d'un scientifique tombé accidentellement d'une falaise.

Photo: Anne-Catherine KLEIN

Les situations accidentelles ou évènements antérieurs illustrent bien les raisons qui amènent à organiser des formations médicales dans les districts austraux à l’attention des hivernants volontaires. Sur la base où vivent 24 hivernants, scientifiques et personnels techniques, le bib (« toubib », médecin de la base) est le seul personnel médical.
Philippe, le gérant postal et chef du Bureau des Communications et Réseau, s'affaire à enfiler les gants stériles, sous le regard de sa formatrice, Joëlle et de Patrick, le chef d'atelier garage.
Photo: Alain RICCI
Pas d’infirmier(e), pas de dentiste, pas de kinésithérapeute… mais pas non plus de cardiologue, de chirurgien ou d’anesthésiste. Or nous nous trouvons à près de 3000 km de l’île de la Réunion, soit 5 jours de bateau et aucune liaison aérienne possible. Tous les problèmes urgents doivent être pris en charge sur place, avec les moyens du bord. Et si ces moyens, en termes de matériel, permettent des soins se rapprochant de ceux que l’on dispense en métropole, il faut suppléer l’absence de personnel soignant, inexistant en dehors du médecin de district.


Formation immobilisation et brancardage. Victime : Grégory, technicien télécommunications et réseaux
Photo: Anne-Catherine KLEIN


C’est pourquoi la première tâche du médecin des TAAF, lorsqu’il arrive sur son district, est d’organiser des formations médicales : premiers secours, relevage et brancardage pour l’ensemble des personnels ; équipes d’aides médicaux, chirurgicaux et d’anesthésie.

Lavage chirurgical des mains. Assistant de chirurgie : Sébastien, chef infra
Photo: Joëlle LUDWIG 
Les trois équipes d’aides médicaux, chirurgicaux et d’anesthésie, vont l’assister pendant tout son séjour. Les premiers interviennent en cas d’accident ou de malaise. Ils apprennent à examiner un malade (dites « 33 » !), à transmettre les informations nécessaires au médecin s’il n’est pas présent là où se trouve la victime, à effectuer des mesures (tension artérielle, rythme cardiaque, etc.) qui faciliteront le travail du médecin.

En plus des formations médicales, des formations à la dentisterie sont dispensées.  
Photo: Grégory

Les équipiers de chirurgie et d’anesthésie interviennent si une opération est programmée. Ils vont préparer le bloc opératoire, le matériel de chirurgie et d’anesthésie. Au cours de l’intervention, un aide sera habillé en stérile, pour assister le médecin. Un autre présentera les instruments à l’assistant pour qu’il les dépose stérilement à disposition. Le troisième, l’aide d’anesthésie, surveille les « constantes » du patient : une série de données comme le rythme cardiaque, la tension artérielle, l’oxygénation… Tous ces aides sont les yeux, les oreilles et les mains du médecin, qui ne peut plus se dé-stériliser quand il a commencé à opérer.
Habillage de Sébastien en tenue stérile de bloc
Photo: Alain RICCI
Pour assurer ces postes, les personnes volontaires, hivernants de tout poil, de l’ornithologue au plombier en passant par le cuisinier ou l’ouvrier polyvalent, suivent des formations à l’hôpital du district. Ils apprennent à s’habiller et à habiller quelqu’un en stérile ; à préparer des médicaments injectables ou des perfusions ; à se laver les mains chirurgicalement ; à enfiler des gants sans les dé-stériliser ; à se mouvoir dans un bloc opératoire sans faire de fautes de stérilité. 
Soit, à pouvoir assurer le jour venu une aide au médecin, si une vraie intervention s’avérait nécessaire ou bien prendre le médecin en charge si celui-ci est personnellement en cause... 

Rédacteur: Joëlle LUDWIG
Médecin-chef 
de l'Archipel de CROZET