lundi 18 janvier 2010

La campagne d'été


Grande manchotière
A Crozet, l’été austral commence traditionnellement en novembre pour s’achever en avril.

Pendant cette période, la majeure partie les oiseaux et mammifères marins recensés sur l’île reviennent à terre pour s’y reproduire. C’est également la période de la mue, des accouplements et des naissances. C’est donc le meilleur moment pour les observer, les étudier, ou les équiper avant qu’ils ne partent ou repartent en mer pour des séjours de plusieurs mois, voir de plusieurs années comme c’est le cas des jeunes albatros.

Dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises, cette période d'effervescence donne lieu à une mobilisation générale et à une recrudescence d’activité : c’est la campagne d’été. Pendant plusieurs mois, les travaux scientifiques et techniques se multiplient et la vie sur base s'intensifie.

La campagne d'été commence traditionnellement avec OP3 :la troisième rotation annuelle du Marion Dufresne. Cette rotation confirme la vocation scientifique des bases australes française. Elle est avant tout dédiée à l'acheminement et à la relève du personnel scientifique. Ainsi entre le 23 novembre et le 26 décembre, l’effectif du personnel scientifique de Crozet est passé de 8 à 28 personnes portant l’effectif total de la mission de 24 à 44 personnes. Ce personnel scientifique est divisé en trois grandes catégories, les VCAT, les thésards, et les responsables de programmes.


§ Les VCAT, Volontaires Civils de l’Aide Techniques sont de jeunes diplômés (23-26 ans) qui suivent des parcours scientifiques mais n’ont pas forcément vocation à faire un doctorat. Ils sont les artisans des programmes scientifiques sur le terrain, dont ils assurent le bon fonctionnement pendant une année. Ce sont eux qui réalisent et la plupart des manipulations prévues. Les nouveaux VCAT de la mission 47 sont 8. La plupart sont arrivés avec OP3. Une fois sur place, ils disposent de 1 à 3 mois de passation avec leur prédécesseur avec plusieurs objectifs : mieux appréhender le contenu et le déroulement des programmes, identifier et maitriser le fonctionnement du matériel scientifique à leur disposition, reconnaître le terrain et les différents sites sur lesquels ils vont travailler, et surtout s’exercer aux manipulations qu’ils vont ensuite conduire seuls. Les sujets d’études conduits à Crozet et dans les terres australes sont peu communs. Les manipulations auxquels ils donnent lieux sont spécifiques et souvent exclusivement liées la présence des animaux sur place. La plupart des VCAT qui arrivent n’ont donc jamais travaillé sur ces sujets auparavant. En revanche, ils affichent tous de belles expériences de terrain et possèdent les compétences nécessaires pour s’adapter rapidement. Le premier mois de passation est pour eux une intense période d’apprentissage.

Passation de consignes VCAT : pg Ecobio N°136

Relevée de données : pg Ecobio N° 136

Relevée de données : pg Ecobio N° 136

§ Les thésards sont en nombre plus restreint (3- 4 maximum chaque année). Les thésards qui travaillent ici produisent leurs propres données. Cela leur confère une très bonne maîtrise de leur sujet et c’est très satisfaisant mais c’est également un très gros travail. Ils ne viennent sur le terrain que pendant la campagne d’été et pour la plupart d’entre eux seulement la première et la deuxième année de leur thèse, soit 6 à 8 mois en tout. Cette période est pour eux décisive. Toute la réussite de leur travail dépend de leur production scientifique pendant les 6 à 8 mois de ces deux campagnes d’été, ce qui leur impose un rythme forcené. Le matin, ils sont levé les premiers pour assurer des manipulations ou collecter des données. Le soir, ils sont souvent couchés les derniers pour enregistrer et vérifier la qualité de ces données, travailler un article ou encore candidater à telle ou telle conférence internationale en vue d’y présenter leurs travaux.


Thèse : pg Ecoénergie N° 119

Thèse : pg Ecoénergie N° 119


Thèse : pg Ecoénergie N° 119

§ Les responsables de programmes et enseignants chercheurs constituent la troisième catégorie de personnels scientifiques et sont principalement présents, en décembre, lors du lancement de la campagne d’été. Dans les laboratoires de métropole, leur mission première consiste souvent à trouver les financements nécessaires au fonctionnement et au développement de leurs programmes. Ils s’assurent également que ceux-ci donne lieux à des publications régulières dans les meilleures revues scientifiques internationales. Sur le terrain, ils dirigent et orientent leur programme tout en participant activement à toutes les manipulations en cours, développent de nouvelles expérimentations et fixent le cadre d’intervention des VCAT et autres « campagnards ». Les plus connus d’entre eux ont déjà hivernés au moins une fois. Ils possèdent souvent des tas d’anecdotes et leurs propos sont souvent riches d’enseignements sur les évolutions en cours. Certains d’entre eux reviennent régulièrement et sont des habitués des campagnes d’été. Pour eux, rares sont les Noël et les premiers de l’an en famille. Ils sont les rares témoins du temps qui passe ici.

Coupe géologique : pg Capgeos N° 1002

100ème échantillon : pg Capgeos N° 1002

"Manip Géol" : pg Capgeos N° 1002

Tout ce personnel est attaché à des programmes scientifiques sélectionnés par l’IPEV et autorisés par les TAAF. Ces programmes sont conduits par différents laboratoires disséminés en France. Les principaux laboratoires exerçants des activités à Crozet sont le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (79), la station biologique de Paimpont (35), l’institut pluridisciplinaire Hubert Curien et le CNRS de Strasbourg (67), le Laboratoire de Planétologie et Géodynamique de Nantes (44), le CNRS de Villeurbanne (69) et le CNRS de Villiers-en-Bois (79).

Au plan logistique, l’objet principal de la rotation de novembre est le ravitaillement de l'ensemble des arbecs et sites de bivouacs gérés par l'IPEV. Elle permet également de profiter des moyens logistiques du Marion Dufresne (hélicoptère et portière) pour effectuer les opérations de transbordement classiques (nourriture, matériels, déchets) puis réaliser des opérations spécifiques (installation d’un Marégraphe, entretien du relais radio…). Certaines opérations nécessaires sur les installations IPEV et non achevées pendant la rotation sont assurée ensuite par du personnel IPEV pendant le premier mois de la campagne. Cette année, l’équipe IPEV devait normalement monter un arbec préconstruit sur le site de « La Pérouse ». Ce dernier n’ayant pas pu, pour des raisons météorologiques, être déposé sur place pendant la rotation, le personnel s’est alors mobilisé sur d’autres travaux (bardage extérieur d’un bâtiment, consolidation et inventaire de refuge…). Autant de travaux qu’il n’est possible de réaliser que pendant la belle saison.

Consolidation Marégraphe : Personnel IPEV

Consolidation Marégraphe : Personnel IPEV


Consolidation Marégraphe : Personnel IPEV

L’été austral s’accompagne d’une amélioration significative du contexte météorologique. La température moyenne enregistrée à Crozet pendant les mois les plus chauds (février) est de 8,1°C contre 3,2°C pour les mois les plus froids (août et septembre). Au-delà de cette moyenne, il n’est pas rare que les températures atteignent 10°C avec 8 à 10h de soleil par jour. Certaines journées d’exception donnent même lieu à des records de l’ordre de 15 °C.
Pendant cette période, les précipitations sont également plus faibles. Elles passent de 225 mm en moyenne pour le mois le plus humide (août) à 152 mm pour le mois le plus sec (février). Ces conditions optimales apportent confort et sécurité. Elles permettent les travaux extérieurs et autorisent un maximum de sorties hors base. La plupart de ces sorties sont à vocation scientifique, mais pas seulement. Cette période de forte luminosité et de beau temps est aussi privilégiée pour l’organisation de sorties loisirs.

Au mois de décembre, en plein cœur de la campagne d’été, le niveau d’activité en cours sur l’ile s’est traduit par l’organisation de 33 sorties hors base dont 19 pour des programmes scientifiques et techniques. Sur ces 33 sorties, 9 se sont déroulées sur plus de 2 jours. C’est-à-dire avec au moins deux nuits en refuge ou en bivouac. Ce niveau d’activité donne lieux à de nombreux chassés croisés sur base et dans les arbecs. Il anime la base et permet un important brassage des membres de l’équipe. Les retours de manips sont de belles occasions de profiter du confort retrouvé pour les uns et de s’enquérir des trésors de l’île pour les autres. Ils donnent lieux à de joyeuses retrouvailles et à de chaleureuses soirées.

Les soirées festives constituent également un des traits marquant de la campagne d’été. La plupart des « campagnards » ne sont là que pendant un mois et ont à cœur de profiter au maximum du temps qu’ils ont sur ces terres lointaines. De leur côté, les hivernants, arrivés depuis le mois d’aout, comptabilisent déjà quatre mois de mission. Les trois premiers mois ont données lieux à de nombreuses découvertes mais à l’aube du cinquième mois, des petits groupes se forment et certaines habitudes commencent à s’installer. Le démarrage de la campagne réintroduit du sang neuf et non des moindres. Le rapport homme-femme dans la composition de l’équipe passe de 1 fille pour 11 garçons à une pour trois. Cet élément nouveau accentue encore l’effet mobilisateur de la campagne. C’est ainsi par exemple qu’on voit apparaître l’organisation de cours de salsa, impensable et impossible avant la campagne !!! L’arrivée de nouvelles têtes est l’occasion de faire des rencontres. Les nouvelles personnes s’installent et prennent leur place, de nouveaux groupes se dessinent. L’énergie nouvellement arrivée sur base se propage et apporte du cœur à l’ouvrage.

Le gros de la campagne d’été se déroule en décembre. En métropole, cette période de fin d’année est traditionnellement festive mais ici, pour l’occasion, décembre se révèle particulièrement chargé.
Le 8, nous célébrons les « un an » de présence sur l’Ile de Christophe et Florentin, deux VCAT en cours de passation. Le 10, c’est l’anniversaire de Jean Luc, le Chef infra et doyen de la mission, 50 ans ça se fête.
Le 18, avec 2 jours d’avance sur la date officielle, nous fêtons l’abolition de l’esclavage. L’île de la Réunion est notre port d’attache et la commémoration du 20/12/1848 y est incontournable. Ici l’évènement se révèle une très belle occasion de faire honneur au personnel réunionnais et de célébrer ensemble l’avènement de ce jour de gloire.
Le 24 c'est l’incontournable réveillon. Noël aussi s’avère particulièrement réussi cette année : La veillée commence par un petit concert en direct live du « CroniBar ». La représentation est assurée de mains de maître par Bruno, le gérant postal à la batterie et Christophe, notre géophy en partance, à la guitare électrique. Particulièrement réussie, elle à pour effet direct d’envoyer tout le monde sur la piste et de mettre la soirée en orbite. Le repas décalé pour l’occasion se déroule assis en rond autour du sapin chargé de cadeaux. Les « super petites maries » qui assurent le service ont travaillées leurs tenues et sont coiffée du chapeau de noël. Le repas est excellent et bien arrosé. Remi, le nouveau géner, (logisticien de l’IPEV) se révèle le père Noël du jour. Joyeusement réchauffé par l’atmosphère, il réussit une très jolie performance : remettre à chacun des 44 membres de la campagne d’été son cadeau, accompagné d’un heureux trait de caractère. Cette exceptionnelle remise des prix a pour effet de remettre tout le monde en scène pour un deuxième concert puis la soirée se prolonge non stop jusqu’au petit matin.

Christophe, Géophy 46: à la guitare

Soirée luttins pour la veillée de Noël

Bruno, gérant postal 47 : à la batterie

Salle de restaurant l'étoile australe : avant le repas de Noël

... et pendant le réveillon

Le géner père Noël de Crozet

...qui distribue patiemment ses cadeaux un a un

Le 25 est la soirée des partants. Les campagnards d’été sont à peine arrivé et Noël à peine achevé que déjà un mois vient de s’écouler. Cette soirée est l’occasion d’offrir aux « campagnards » un ultime souvenir de leur passage à Crozet, une empreinte de manchot royal avec autour la mention « Crozet été Austral 2009 » et un CD avec les plus belles photos de la campagne. Des souvenirs que chacun reçoit avec émotion. Cette dernière soirée à 44 est également l’occasion de découvrir la magnifique pièce en chocolat confectionnées par Fabrice, notre chef cuistot et ses apprentis Nelly et Xavier. La base Alfred Faure posée sur le dos d’un jeune éléphant de mer, avec des centaines de truffes et autres chocolats fins tout autour. Une surprise de taille : Incroyable. Repartie de plus belle, cette soirée est une nouvelle occasion de faire la fête toute la nuit durant. Elle marque aussi la fin de la première partie de campagne d’été. Un mois de briefing, de manip, de sorties hors bases, de travail et de festivités. Un concentré de vie australe vécu en un rien de temps.

Soirée Marion Dufresne : soirée des partants

Un souvenir pour chacun

"Crozet : été austral 2009"

Le 26, les « campagnards » au départ sont au nombre de 12. 4 VCAT prennent également le bateau. Pour eux le moment est encore plus intense. Il marque la fin de plus d’un an de présence sur base. Un moment de séparation difficile avec les derniers de la 46ème mission, qui restent encore quelques mois. Pour en rendre compte ou mieux le dépasser, ces derniers ont préparé l’évènement et se livre au traditionnel rituel de départ, messages, boisson, marquages et déguisements. Un moment de grande intensité partagé entre joie et peine, entre rires et larmes.

La base Alfred Faure sur un jeune éléphant de mer en chocolat

Tous les bâtiments de la base reproduits à l'identique

Surprise du chef: Fabrice et de ses apprentis : Jacques, Xavier et Nelly

Les 44 passagers de la campagne d'été : mission 47

Cette fois l’escale du Marion est de courte durée. Le navire met a profit une campagne océanographique qui doit se dérouler plus au sud. Le transfert des passagers n’a pas vocation à être une véritable opération logistique. Il n’y a pas de moyens héliportés et toute l’opération se déroule par voie maritime. La descente du bord se réduit à 2 passagers, la dépêche postale entrante et quelques pièces urgentes. La montée à bord porte sur 16 passagers, leurs passeports et quelques procurations de vote pour les élections régionales de mars 2010. L’opération dure 3 heures …et le Marion Dufresne reprend sa route.

Préparatifs de départ des campagnards depuis la plage

Rituels de départ pour les VCAT de la 46.

Le Marion en Vue.

Le Marion dans la baie.

Arrivée de Aurore et Vincent les nouveaux membres de la 47

La première partie de la campagne se termine ainsi, aussi rapidement qu’elle a commencé laissant derrière elles des tonnes de souvenirs et 30 personnes dont deux nouveaux arrivants, pour assurer la poursuite de la mission.